Récit d’un incident de vol en parapente et analyse de mes erreurs

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Récit d’un incident de vol en parapente et analyse de mes erreurs

Dans cet article je reviens sur un incident de vol que j’ai eu peu de temps après avoir commencé le parapente. Attention spoiler… ça s’est bien terminé, mais ça aurait pu faire très mal. Voici mon retour d’expérience, pour que ça puisse aussi vous servir, que vous soyez débutant ou pilote confirmé.

En juin 2018 j’ai fait mon stage d’initiation parapente où j’ai pu faire 3 grand vols. Fin août 2018 j’ai acheté mon matériel pour pouvoir continuer ma progression, avec comme voile une Koyot 3 plume. Puis j’entame plusieurs séances de gonflage où je commence à faire et « maîtriser » un peu le gonflage face voile. Entre le 17 et 19 septembre 2018 je fais mes cinq premiers vols seuls, sans moniteur, depuis le Puy de Dôme. Puis mes disponibilités et la météo ne me permettront plus de voler  avant le 12 octobre. Entre temps quelques séances de gonflage sont faites.

Déroulement de l’incident

Me voici le 12 octobre 2018 au décollage sud-est du Puy de Dôme. Ce n’est pas la première fois que je décolle d’ici, je connais le décollage et l’atterrissage. De mémoire le vent est à environ une dizaine de km/h. Quelques petits groupes de pilotes au décollage, certains se préparent, d’autres sont posés et discutent. Après avoir attendu un peu que de la place se libère, je m’installe pour préparer ma voile et mon matériel. Enfin dans mon esprit je la prépare mais dans les faits, je ne fais que survoler cette préparation. J’étale la voile, j’enlève le tour de sellette, je m’installe dans la sellette et m’attache. Le vent est établi et la place disponible sur ce décollage m’incitent à faire un gonflage face voile. C’est mon 9 eme vol au total de ma vie de pilote, et le 6èmesans moniteur, pourtant malgré les personnes pas loin, je ne demande à personne de checker mon décollage pour m’arrêter si besoin. Face voile je pré-gonfle, puis j’essaie de mettre la voile au-dessus de ma tête. Malgré ma bonne orientation face au vent et la levée de la voile dans l’axe, ma voile retombe systématiquement sur le côté. Je me dis que ma faible expérience de gonflage face voile acquise en séance de gonflage à plat dans un champs se confronte à la réalité d’un gonflage sur décollage dans une petite pente et sous le « stress » des personnes autour et du public du Puy de Dôme. Après 3 gonflages qui retombent sur le côté, je profite de réussir à lever tant bien que mal la voile au-dessus de la tête pour me retourner et décoller. Durant tout ce temps je n’ai pris le temps de faire des contrôles visuels de la voile. Avec du recul je pense qu’à cette époque ma faible expérience ne me permettait pas de déceler rapidement de possibles problèmes d’aile faiblement perceptibles simplement en regardant l’aile en pré-gonflage. Ma voile au-dessus de ma tête, je prends de la vitesse et m’élance.

Au moment où mes pieds quittent le sol j’entends crier derrière moi. Cela vient d’un groupe de parapentistes qui était à une quinzaine de mètres, mais je ne comprends pas ce que la personne me dit. Très rapidement je comprends qu’il y a un problème, je n’arrive pas à garder le cap, je tourne tout seul vers la gauche. J’essaie de contrer en mettant du poids à droite dans ma sellette, mais rien de change, je mets du frein à droite, mais presque pas d’effet. J’ai déjà tourné à plus de 90°, je commence à me retrouver vent de dos et comprends que si je ne fais rien, dans 20 secondes ce sera retour planète vent de dos contre le puy de dôme. Et c’est là que le proverbe “Il vaut mieux regretter d’être au sol que de regretter d’être en l’air “ a raisonné dans ma tête. Mais bon pas le temps de philosopher, faut agir. Je sais que je suis seul, personne ne peut m’aider et que je dois prendre une décision dans les 5 secondes. En tant que pratiquant de nombreux sports d’outdoor, faire face à des situations complexes, prendre une décision rapidement, ne pas paniquer, est quelque chose qui fait partie de mon bagage. Mais généralement, j’ai plus d’expérience dans l’activité. Par chance j’avais potassé un peu dans un livre de parapente les techniques de pilotage et les incidents de vols, mais j’avais simplement lu et jamais expérimenté. Je pense que c’est ça aussi qui m’a permis de prendre des décisions cohérentes rapidement. Je décide de descendre franchement ma commande de frein droit et de mettre tout mon poids côté droit. J’arrive ainsi à garder un semblant de cap ce qui me permet de longer le Puy de Dôme, je survole pour ainsi dire les rails du train à crémaillère. Durant ce temps, je donne des coups secs sur la commande gauche pour essayer de dégager ce qui pourrait bloquer, mais rien n’y fait. Maintenant que le risque de s’écraser sur le Puy de Dôme est passé, vient le moment de prévoir la suite, c’est-à-dire comment atterrir le plus en sécurité possible et si possible sans dégâts pour le matériel.

Je vois sur la droite l’espace en dessous du petit Puy de Dôme dégagé de végétations. En face de moi si je poursuis mon cap actuel je vais droit dans la forêt. Bien entendu, je n’ai pas encore confectionné mon kit secours en cas d’arbrissage et n’ai pas de radio. Mais pour réussir à aller atterrir dans cette zone assez dégagée mais vallonnée, je dois encore réussir à tourner à 90°, or je suis déjà en appui sellette à fond et commande droite très basse pour simplement garder mon cap. Je décide donc d’enfoncer à fond la commande de droite, en mode je tente le tout pour le tout, car je n’ai aucune idée du résultat précis. J’enfonce de tout mon poids, j’entends un gros bruit de l’aile et tourne directement vers la droite, relâche, puis l’aile claque se remet en position de vol. J’ai maintenant un cap qui m’emmène vers la zone dégagée repérée. J’essaye de viser l’endroit le moins pire, en évitant les clôtures et les bosquets. Je vois un talus et décide de le viser en atterrissant en remontant.  Je me prépare à courir dès que les pieds toucheront le sol. J’arrive à garder le cap, à ralentir un peu et à me poser en catastrophe.

Ça y est je suis au sol, je suis tombé par terre à l’atterrissage, mais ça va, je me relève, je n’ai rien. Ma voile s’est posée en évitant le buisson. Je prends le temps de souffler un peu, puis vais voir le problème. Je découvre une clé entre la ligne de mon frein de gauche et une suspente, assez haute dans le suspentage. Cette clé faisait réagir ma voile comme si j’actionnais en permanence ma commande de gauche pour tourner, d’où un cap ingérable sans action de ma part. Je la prends en photo, histoire de m’en rappeler et de pouvoir débriefer aussi ensuite. Je replis mon packetage et redescends à pied par le chemin des chèvres (l’un des chemin d’accès au Puy de Dôme depuis le parking du train). Je passe par l’atterrissage, histoire de dire que tout va bien, je sais que des personnes m’ont vu avoir des problèmes. Je croise Nico, mon moniteur de l’école de parapente. Il savait déjà qu’un parapentiste était partie avec une clé et savait déjà que c’était moi grâce à ma voile… les nouvelles vont vite !! Il me confirme qu’au décollage une personne a vu lorsque je m’élançais que j’avais une belle clé et a essayé de m’arrêter en vain, j’avais déjà décollé. On débriefe ça ensemble.

clé en parapente
La clé ©photo Romain Le Pemp
clé parapente
La clé ©photo Romain Le Pemp

Les points positifs

Ça fait maintenant un an et demi que cet incident sans gravité s’est passé, mais il m’aura marqué comme étant un bon rappel à l’ordre et à la nécessité de bien faire les choses. Il m’a fait prendre conscience, qu’en à peine 5 vols seuls, j’avais déjà mis de côté un certain nombre de choses apprises à l’école et avais pris de mauvaises habitudes.

Mais je retiens 3 points positifs de cette mésaventure :

– je préfère que ça me soit arrivé ici, dans un air calme, dans un  lieu que je connaissais, plutôt que plus tard dans des conditions moins favorables

– j’ai su malgré ma faible expérience, ne pas paniquer, réagir vite et avoir les gestes appropriés pour regagner le sol sans me blesser et conserver intact mon matériel. D’avoir lu en amont m’a bien aidé

– ça m’a donné une leçon, depuis je fais une prévol complète, en prenant mon temps. J’ai mis en place un rituel d’installation et de vérification des points.

atterrissage urgence sous le puy de dôme

Auto-analyse de mes erreurs

– j’aurai dû demander à une personne de checker mon départ, je l’aurai sûrement fait si une personne avait été seule pas loin, mais le fait que les personnes étaient en groupe en train de discuter, je n’ai pas osé les déranger

– je n’ai pas pris conscience que mon aile light, avec le haut non gainé des suspentes, demandait une plus grande attention que la voile que j’avais durant le stage à l’école avec l’ensemble du suspentage gainé.

– j’ai négligé la prévol, je n’ai pris le temps de bien regarder et remonter mes lignes de suspenses, en mode râteau pour voir qu’il n’y avait pas de clés ou autre problème. C’était pourtant la première chose que l’on a vu en stage, dès la première matinée.

– je n’ai pas su voir lors du pré-gonflage et des gonflages face voile qu’il y avait une clé

– je n’ai pas su interpréter que ma difficulté à maintenir la voile au dessus de la tête lors du gonflage pouvait venir d’un problème et que ce n’était pas uniquement le vent ou ma technique qui n’allait pas

– je n’ai pas su ressentir dans les commandes, une fois l’aile au-dessus de la tête qu’il y avait un problème

– je n’avais pas le matériel de sécurité sur moi si un j’avais dû atterrir dans un arbre

– je n’avais pas de radio

Dessin d'un article de Vol Passion

L’importance de la phase de prévol en parapente

Après avoir pas mal échangé, après avoir pas mal lu et écouté, après m’être repassé le film dans ma tête, ces accumulations de petites erreurs ont un dénominateur commun : la phase de prévol. Au décollage je sais maintenant ce que je dois faire, j’en fait sûrement même trop, notamment lorsque je check mes différentes lignes en râteau, alors qu’il y a assez de vent pour faire un bon pré-gonflage de face qui va me permettre de tout bien contrôler. Mais c’est maintenant mon garde-fou. J’ai fait le choix d’une voile plus light, je sais que les clés sont un risque aux endroits non gainés, donc j’accepte de passer un peu plus de temps à vérifier. J’échange et je partage aussi beaucoup plus au décollage et suis plus attentif. Chacun a sa manière de faire sa prévol et je ne suis pas moniteur pour venir donner des leçons aux parapentistes souvent plus expérimentés, mais parfois ça fait peur de voir ce qui se passe sur les aires de décollage, que ce soit sur la préparation du matériel ou dans le décollage en lui-même.

 

Comme pour le cheval ou le vélo, quand on tombe faut remonter rapidement dessus pour passer à autre chose, éviter de ressasser et voir que l’on est capable.

Le lendemain, je suis remonté au Puy de Dôme le matin, en air calme pour faire un vol. Tout s’est bien passé.

vol parapente puy de dome
Faut remonter à cheval ©photo Ludovic Cazard

Si vous avez eu une mésaventure à cause d’une mauvaise prévol, n’hésitez pas à laisser en commentaire votre retour d’expérience.

4 Comments
  • yves
    Publié à 22:54h, 09 avril Répondre

    Salut.
    Je vole en ikuma Plume,donc aussi dégainé…
    En principe, si tu fais vraiment un bon prégonflage (ce qui est plus facile même sans vent avec une aile light) avec un bon check visuel, tu élimines les risques de clé….
    Et avec 10-15 kmh , pas besoin de te précipiter pour décoller ; tu gardes ton aile au dessus de ta tête qqls secondes pour la “sentir” et quand c est bon, feu…

    • Romain
      Publié à 07:14h, 10 avril Répondre

      Salut Yves, merci pour ton retour d’expérience. Je vois effectivement la plupart des pilotes même en light faire comme ça effectivement, mais pour le moment j’ai ce besoin de me rassurer en ckeckant mes lignes avant le prégonflage. En faite, je me demande si la clé que j’avais (voir photo dans l’article) peut se voir si facilement dans tout ce suspentage lors du prégonflage?

  • Bruno
    Publié à 17:09h, 15 août Répondre

    Merci pour le partage d’expérience.
    Ta maîtrise du stress gagnée dans d’autres pratiques outdoor t’a sauvé, peut-être la vie ?
    La check-list de prévol, c’est notre “prière”, un rituel qui appelle notre bon sens et l’observation du matériel avant le décollage.

    • Romain
      Publié à 10:52h, 16 août Répondre

      Bonjour Bruno, c’est indéniable que l’habitude de prendre des décisions rapidement a joué dans la gestion de mon problème en vol. Cela m’a donné une bonne leçon sur la prévol, quel que soit le matos avec lequel je vole !

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